Le rapport d’évaluation objectif devient-il le fondement pour le montant du prêt ?

En mai 2020 l'Autorité bancaire européenne (ABE) envoyait une nouvelle directive : à partir du 1er juillet 2021, tous les dossiers de prêts hypothécaires doivent être accompagnés d'un rapport d'évaluation objectif et statiquement étayé, établi par un évaluateur indépendant assermenté. Le montant du prêt pouvant être emprunté à la banque dépendra désormais de la valeur du rapport d'évaluation objectif, et non plus de la valeur de compromis. Dès lors, si les acheteurs potentiels font une offre plus élevée que la valeur estimée et que cette offre est fixée par un compromis sans clause suspensive, ils devront fournir les fonds propres pour couvrir le montant excédentaire. Les banques ne prêteront plus que le montant figurant dans le rapport d'évaluation indépendant.
Hypotheek.winkel, le bureau d'étude qui compare les prêts hypothécaires de 25 banques différentes, veut en avertir à temps les acheteurs potentiels et demande des éclaircissements à la Banque nationale de Belgique (BNB). En théorie, la nouvelle directive est déjà d'application, mais dans la pratique, ce n’est pas nécessairement le cas. Hypotheek.winkel estime que cette directive de l’ABE pourrait provoquer un refroidissement du marché immobilier et qu'il deviendra encore plus important d'inclure une clause suspensive dans le compromis.
Silence radio concernant la nouvelle directive
L’ABE fait partie d’un système européen de supervision financière et veille d'une part à protéger les consommateurs, et d’autre part à assurer la stabilité des prêteurs. Les directives de l'ABE complètent et clarifient la législation et les règlementations nationales. La nouvelle directive sur le rapport d'estimation objectif est en vigueur depuis le 1er juillet 2021 et est contraignante, bien que selon hypotheek.winkel, ce ne soit pas observé dans la pratique au quotidien.
« Les concertations avec les acteurs du secteur portaient principalement sur des éclaircissements concernant les revenus et les dépenses à inclure dans le calcul du DTI (debt to income). Ce qui est à peine apparu, c'est cette nouvelle directive d'évaluation. Et c'est ce qui nous semble avoir le plus d'impact à l'avenir, tant du côté de l'offre que de la demande », déclare David Geerts, CEO de hypotheek.winkel.
Une évaluation objective sans tenir compte de la folie du marché
La nouvelle directive signifie qu'une évaluation objective doit être jointe à chaque demande de prêt immobilier. En théorie, cela veut dire que la valeur du logement ne peut plus être déterminée par un agent ou un vendeur privé et que la valeur du compromis n'est plus déterminante pour le prêt.
« La valeur sera objectivée indépendamment de la folie du marché. Le score énergétique constituera notamment un des critères de cette évaluation. Celle-ci doit être déterminée par des évaluateurs externes indépendants », ajoute Geerts.
Ces évaluateurs externes et les rapports doivent également être examinés régulièrement par les prêteurs.
Attention aux drames si l’offre est trop élevée par rapport à l’évaluation objective
Les prêteurs devront ensuite calculer leurs quotités - un pourcentage indiquant le montant qu'une personne peut emprunter pour un logement - sur la base de l'évaluation objective du rapport. Si ce montant est très inférieur à la valeur du compromis, l'acheteur devra combler la différence par un apport.
« Les acheteurs potentiels refusent souvent d’inclure une clause suspensive de peur de ne pas se voir attribuer le bien. Toutefois, si l'évaluation externe de la banque révèle un montant bien inférieur à l'offre prévue dans le compromis, des drames peuvent voir le jour. Le montant trop élevé pour l’offre devra malgré tout être honoré », prévient Geerts.

Ces directives vont-elles refroidir le marché immobilier en surchauffe ?
Hypotheek.winkel estime que cette directive aura un impact majeur du côté de la demande et de l'offre.
« Cela pourrait bien faire revenir les prix des logements à des niveaux normaux, calmer le marché immobilier et accroitre lourdement l’importance des clauses suspensives. Ce sont les banques qui financent actuellement cette surchauffe du marché », explique Geerts.
Selon la société de conseil, le silence qui entoure actuellement la nouvelle directive est dû au fait que les prêteurs attendent de voir dans quel sens le vent soufflera et comptent probablement sur un délai pour la mettre en œuvre. Il semble donc important pour hypotheek.winkel que la BNB publie une circulaire pour clarifier quelques points, car la situation actuelle est encore soumise à une trop grande marge d’interprétation. Une clarification rapide de la situation est donc non seulement nécessaire pour sensibiliser et informer tout le monde, mais elle est également importante pour calmer au plus vite le marché immobilier en Belgique.
Des directives pour protéger les banques contre les défauts de paiement
La nouvelle directive a été introduite parce que l'ABE, et par extension la BNB, doit veiller à ce que les banques ne se retrouvent pas en difficulté en cas de défaut de paiement. Lorsque c’est le cas, les banques doivent procéder à une vente forcée du bien et vendre ce bien au prix de la dette impayée.
« Cependant, si le prix d'une propriété est déterminé dans un marché surévalué sans évaluation objective de la valeur, les banques peuvent rencontrer des problèmes lorsque la propriété est vendue dans un marché qui se calme ou se stabilise. Le prix sera dès lors trop élevé. Ils risquent alors de ne pas pouvoir vendre le bien au prix de la dette en cours. C'est la raison pour laquelle cette nouvelle directive sur le rapport d'évaluation objectif a été introduite », ajoute Geerts.

Ward Vanhee